A cause d’une «cartographie incohérente», les ruisseaux poussés dans le fossé

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.A cause d’une «cartographie incohérente», les ruisseaux poussés dans le fossé

Lancé en 2015, un recensement de tous les cours d’eau français a conduit à en déclasser de nombreux en simples fossés. Les chercheurs de l’Inrae dénoncent les failles d’un chantier qui «menace les rivières et les ruisseaux».

L’idée semblait de «bon sens» : cartographier officiellement les cours d’eau pour mieux les connaître et les recenser. Car si personne ne conteste au Rhône son statut de fleuve, un ruisseau ressemble parfois à un fossé ou à un canal, et inversement. Comme cette ambiguïté avive des tensions locales, une instruction gouvernementale a demandé, en 2015, à chaque département de cartographier tous les cours d’eau. Le travail était dantesque : des centaines de milliers de kilomètres de ruisseaux à expertiser, avec des moyens humains très réduits. Les préfets, aux manettes, ont massivement sollicité les chambres d’agriculture fortes de nombreux salariés sur le terrain. Les associations environnementales ont parfois été associées.
Une manœuvre de la FNSEA
Près de dix ans plus tard, le projet ressemble à une mission impossible, et même contreproductive. Une étude publiée par l’Inrae en septembre signale en effet «une cartographie incohérente» qui «menace les rivières et les ruisseaux». La carte nationale élaborée par les chercheurs à partir des données départementales fait apparaître 680 000 kilomètres de cours d’eaux. Mais certains territoires sont recouverts de filaments bleus quand d’autres n’en comportent presque aucun, rivières principales exceptées. Par endroits, le recensement reste inachevé. Ruisseaux d’altitude invisibilisés
Les chercheurs de l’Inrae observent que les premiers ruisseaux invisibilisés sont situés en altitude. «Nous alertons surtout sur le fait que beaucoup de cours d’eau en tête de bassin-versant, c’est-à-dire des “petits chevelus”, ont été déclassés», détaille Mathis Messager, un des coauteurs de l’étude de l’Inrae. Il leur est souvent reproché de ne pas couler assez. Une faille de la nouvelle définition établie en 2015 : elle stipule qu’un cours d’eau doit posséder une source, un lit naturel et «un débit suffisant une majeure partie de l’année». Mal interprété, ce prérequis a souvent conduit à écarter les ruisseaux intermittents, pourtant nombreux en France.
Autre coauteur de l’étude, Thibault Datry, y voit «une méconnaissance de l’intérêt de ces systèmes en termes de biodiversité, de recharge de nappes, de protection contre les crues». Si ces ruisseaux fragiles subissent trop de pressions liées aux activités humaines, «ça peut accélérer leur dégradation et celle de ceux en aval», ajoute Mathis Messager. Les défenseurs de la nature craignent que le même scénario se produise à partir de l’an prochain pour les zones humides, qui vont être cartographiées dans toute l’Union européenne.

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